Ilya Kabakov

 


"Luxuriance" (extrait)
Arts Info, Paris, juillet / août 1994

[...]
Les expositions que nous pouvons voir cet été ne montrent pas seulement la diversité des champs de création (peinture, sculpture, photographie, design, graphisme, nouvelles technologies, vidéo, lumière, paysage, architecture, ...) et la multiplicité des lieux de diffusion, à Paris et en région, elles correspondent surtout à ce besoin de réflexion sur la place de l'artiste dans la société d'aujourd'hui et la place de l'oeuvre dans la communauté. Entre Les Images du plaisir (FRAC Pays de la Loire), Architecture & Nature (FRAC Lorraine), la présence de Jaume Plensa à Valence avec une pièce éclatée en 21 points dans la ville, les affiches de Martin Kippenberger (FRAC Poitou-Charentes), les photographies de Jean-Luc Moulène (Confort moderne de Poitiers) et l'intervention d'Ilya Kabakov (Magasin de Grenoble) ou encore l'installation sonore que Bill Fontana a conçue pour l'Arc de Triomphe à Paris et le mobilier urbain de Siah Armajani à la Villa Arson de Nice, nous constatons que la jeune création contemporaine entretient de multiples et diverses relations avec la ville, la nature, l'histoire ou le musée, relations qui témoignent de sa vivacité et de son dynamisme, de sa force et de sa pertinence. Une énergie enracinée dans le temps présent, que nous retrouvons également dans les écoles d'art, qui, elles aussi, sont en train de dynamiser les rapports que la jeune création doit nourrir avec la tradition et la réalité sociale.
Pour un art qui n'est pas seulement destiné à charmer le promeneur ou à attirer l'attention du savant, le flâneur de Walter Benjamin est le récepteur idéal. Ce promeneur nonchalant qui avance sans aucun préjugé, n'est pas venu pour s'instruire, s'enthousiasmer ou se laisser impressionner. Il est l'individu le plus ouvert à de nombreuses références et associations. Il ne se pose pas de questions sur la nature artistique de ce qu'il voit, mais il est toujours prêt à rêver.

Dans les trois installations au Magasin de Grenoble, L'Album de ma mère (1988), La Rivière souterraine dorée (1990) et Le Bateau de ma vie (l993), Ilya Kabakov évoque les liens étranges et toujours subtils, qui existent entre l'art et la vie.
Son travail révèle l'importance du texte narratif, réel ou fictif, dans lequel il rend compte du travail de la mémoire et de l'imaginaire, de l'histoire et de l'autobiographie. Ses pièces évoquent toujours un mouvement: la vie est un parcours, un voyage, un labyrinthe. La vie est un bateau à la dérive, sa direction est secrète. Son "fret" est constitué de boîtes contenant des objets qui nous appartiennent, des objets sans valeur qui font l'inventaire d'une vie, jour par jour, année par année. [...]