Xavier Veilhan

 

"Les objets de désir de Xavier Veilhan"
Beaux Arts Magazine, Paris, janvier 2001, p. 42-43

Parmi la génération d'artistes apparus au début des années 90 et connaissant aujourd'hui un indiscutable succès international, Xavier Veilhan est très certainement celui dont le répertoire de formes se présente comme le plus «classique». Peu ou pas de vidéos, pas de pièces sonores, jamais d'ordinateurs à manipuler, rien à distribuer, pas de personnages vivants, pas de display tarabiscoté, rien, ou presque, d'interactif.

Au contraire, son vocabulaire s'est construit autour de structures simples : peintures, sculptures, installations, photographies, d'ailleurs résolument réduites au minimum (une forme, une couleur, un sujet) et présentant cette caractéristique affirmée de «faire image». Même les travaux plus récents, pensés comme des environnements à expérimenter (la Grotte, la Forêt) sont imprégnés (jusque dans leur titre simple et nominatif) de cette volonté de faire image. Il y a, bien sûr, beaucoup plus sous la surface de ces images que dans leur apparence, mais c'est un fait que Xavier Veilhan a d'abord choisi de constituer cette sorte de catalogue de formes et de situations faisant image, c'est-à-dire avant tout fabriquant un désir : de contemplation, de possession, d'appropriation même, sur le strict plan visuel, et ce d'autant mieux que leur simplicité rend l'opération particulièrement facile. On ne peut que saluer l'initiative du Magasin à Grenoble, et de son directeur Yves Aupetitallot, de lui offrir les 2000 m2 de ses espaces et sa logistique institutionnelle pour voir un peu comment tout cela, au bout du compte, «tient ensemble». Les oeuvres, choisies parmi la production des 10 dernières années de l'artiste - c'est le choix de Veilhan -, sont pourtant loin de dresser un bilan. On se réjouissait de voir à nouveau ses célèbres et adorables pingouins : ils sont absents. La garde républicaine ? Les gendarmes de l'ARC ? Pas là. On attendait un festival de couleurs: les oeuvres sont blanches, noires, grises, un point c'est tout. On envisageait des oeuvres partout, un délire, une explosion : non, ce sont quelques pièces, installées parfois d'étrange façon (la Forêt, largement ouverte, se défait de toute sa dimension claustrophobique ; les Grues, simplifiées, y perdent au change).

Lassé sans doute qu'on ne cherche parfois rien derrière la surface de son travail («Trop de couleur distrait le spectateur»), Veilhan a souhaité recadrer le regard, affirmer d'autres priorités, mettre l'accent sur d'autres dimensions de son oeuvre. Il a réorganisé tout cela d'une manière qui surprend. Il s'agit donc d'un tournant plus que d'une rétrospective qu'il eût facilement pu mener à bien : c'est l'indication, par la mise en scène d'oeuvres précises, des nouvelles directions que l'artiste entend explorer.

Il ne serait pas sot pourtant d'entreprendre une vraie et ambitieuse rétrospective de ce travail qui, plus que d'autres, y prête ouvertement le flanc : un catalogue remarquable et rigoureux (dans la tradition du Magasin) s'en charge partiellement - il est l'image exacte de ces «objets de désir» que sont naturellement ses oeuvres.

Eric Troncy