Olaf Breuning


 

«Olaf Breuning : sci-fi mix»
Archistorm, Paris, décembre 2003, p. 27

Parmi les nombreuses possibilités dont disposent les artistes d’aujourd’hui, certains apportent un regard lucide sur leur temps et d’autres basent leur pratique sur la parodie. Olaf Breuning, auquel le Magasin de Grenoble consacre une exposition personnelle jusqu’en janvier 2004, réunit les deux.

Promeneur souriant dans la société contemporaine, Olaf Breuning procède à une exploration des stéréotypes du cinéma et des vidéo-clips. Mais en altérant leurs codes, il en annule les effets. Sa dernière fiction First met à mal les archétypes du western, du gore et des séries B érotiques dans un improbable mix. Toutefois, à l’instar de Robert Longo qui a réalisé son propre long métrage du genre, Olaf Breuning crée immanquablement une science-fiction déroutante. L’artiste avoue d’ailleurs l’influence de John Carpenter (Ghosts of Mars, Escape from L.A. ou They Live !) ou John Waters (Cecil B Demented portrait d’un cinéaste terroriste en référence à Cecil B De mille et Nick Zedd).
Les films d’Olaf Breuning sont élaborés sur des mises en scène aussi solides que grotesques dans lesquelles tous les rouages sont apparents dans un anti-professionnalisme affirmé et où tous les héros sont des paumés psychopathes: grossiers fumigènes, perruques bon marché et autres effets dérisoires.
L’exposition du Magasin est aussi celle des grandes installations complexes avec renforts de sons et lumières (…).

Squelettes et ZZ top

Mais Olaf Breuning est principalement photographe. Les tirages, mis en scène dans une scénographie sur murs de brique, immortalisent d’autres personnages de l’univers Breuning: pulpeuse Lady G, squelettes squattant l’appartement de l’artiste et autres vampires.
La construction la plus complexe est aussi la plus ancienne même si nous la découvrons aujourd’hui: They Live ! est un village dont tous les habitants sont autant d’hommages à ses amis, influences ou simples clins d’œil : ZZ Top, Vanessa Beecroft, Shining ou Matthew Barney. Autre construction monumentale, We only move when something changes !!! est un portrait de groupe à l’initiative d’une chanteuse engagée basque dans un terrain vague des environs de Bilbao.

Exercices de style
Olaf Breuning est néanmoins capable de créer un univers au glamour étrange mais indéniable : les images d’automobiles de prestige avaient par exemple frappé par leur caractère irréel quasi publicitaire. Ses transgressions de codes vestimentaires et tatouages expérimentaux avaient aussi engendré des looks mémorables.
Au Magasin, on peut aussi voir alignés comme dans un défilé, des fantômes que l’artiste a conçus avec le créateur belge de prêt-à-porter Bernhard Willhem. Le film Ghosts les met en scène dans une fiction abracadabrante (dans laquelle les otages sont vêtus de créations du créateur). On apprécie la saveur de cette collaboration chez cet artiste qui avait pris l’habitude de tout faire seul (y compris les musiques à l’instar de son mentor John Carpenter). Les fashion-victims apprécieront de pouvoir acquérir pour cinquante euros un T-shirt de Willhem à l’effigie d’un des fantômes. On apprécie enfin que cet artiste «Swiss Made» qui travaille à New York ait su puiser le plus déroutant de la culture contemporaine pour créer un univers et un petit peuple terriblement attachant qu’il déplace de son appartement en lieux d’exposition.
Pour peu que vous soyiez joueur, cette exposition vous fera l’effet d’un parc d’attraction déjanté après lequel vous ne verrez plus le cinéma comme avant.

Jérôme Lefèvre