Olaf Breuning
« Monkey Business - Les business récents d’Olaf Breuning
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Kunst-Bulletin, Zürich, 03 décembre 2003, p. 42 - 43
Squelettes suspendus, crânes de méditation, poupée gonflable
de luxe installée hache à la main dans un cercueil jaune-orangé,
de pacotille, fumigènes de plateaux télé, gorilles électrifiés,
puanteur tellurique, excités dans les bois, cuir et latex, joueurs de
tennis masqués, vampires en survêtement, E.T. taille 1 drapé
pour servir d’écran, fausses briques sur vraies cimaises, autant
d’outrages stylés qui hantent avec humour l’exposition personnelle
d’Olaf Breuning au Magasin de Grenoble.
Monkey Business - Les business récents d’Olaf Breuning
Depuis 1998, l’univers d’Olaf Breuning ne cesse d’éroder
l’idée que l’on se fait de l’authentique. Il exploite
de manière récurrente quelques-unes des formes les plus symptomatiques
et facilement identifiables du «trash», de l’artificiel, des
petits effets spéciaux qui cartonnent chez les ados et les fétichistes.
Breuning travaille à l’époque des films d’horreur
à suspense parodiques, des films «gore» dits de 3e génération
tels «Scream» et «The Blair Witch Project» dans lesquels
trembler et rire sont ambivalents et concomitants. A la fois décodeur
et encodeur de l’époque, l’artiste façonne, dans ce
système, des images à l’allure souvent bon marché
(farces et attrapes, déguisements «relookés», «bad
boys style », hippies du nord, post-magazines) comme dans le film «
First » ou «American Psycho vs La petite maison dans la prairie»
dans lequel un détraqué et son gang poursuivent et terrorisent
un jeune Amish qui court nu coiffé d’un masque de E.T., ou dans
la photographie Double» pour laquelle deux couples improbables très
«body language» clonés posent de biais en tenue de tennis
sur la terrasse d’un building new-yorkais. Des images «impactantes»,
dirait un publicitaire. Vidéo ou photographiques, elles sont hautement
élaborées et conçues comme des petits films ou séquences,
«King», 2000, ou comme des décors pour prises de vues, «They
live !», 1999. De tels moments visuels génèrent des histoires
non narratives parce qu’ils font image. Le travail d’Olaf Breuning
incarne avec anticipation et dérision l’ambivalence d’une
époque dans laquelle technologie et préhistoire, épouvante
et clowns militants anti-mondialistes se côtoient sans heurts apparents
; l’artiste poussant toujours plus les formatages qui «tiquifient»
les rapports (de consommation, critiques, de fascination, …) contemporains
à l’image dans lesquels la «référenc»
est une matière première parmi d’autres et que l’artiste
titille à souhait. Ce n’est pas parce qu’une luminosité
rose-bleutée perce le brouillard de l’expo que l’on est immédiatement
dans le cinéma de Carpenter, «L’Exorciste» ou «Massacre
à la tronçonneuse»… à moins d’admettre
que, quelle que soit la nature de la référence issue de la déhiérarchisation
des signes, son emploi puisse produire autre chose qu’un néo-formalisme,
même camouflé par la parodie et l’efficacité qui caractérisent
la production de Breuning. Chaque exposition conséquente d’Olaf
Breuning fait le pari d’un décor englobant. Le moins que l’on
puisse dire, c’est que le Magasin de Grenoble ne manque pas de cimaises.
Olaf Breuning a choisi de ne pas s’en servir mais d’en ajouter et
de les disposer au centre de quelques salles. Elle sont placées en biais
et recouvertes d’un papier peint à motif briques, sorte de clin
d’œil émotionnel à la culture 80’s Grand
Master Flash et Michael J. pour fomenter un petit théâtre…
de singes (intérieur/extérieur) dont lui seul a les clefs depuis
sa première installation «woodworld». Elles servent ici de
présentoirs aux tirages photographiques, eux-mêmes éclairés
par des néons blafards «street style». L’exposition
prend finalement des allures d’Olaf Breuning géant, entre maison
de production à la déroute, mauvaise vitrine, «grosse»
production artistique pas dupe de ses moyens ni de ses intentions et que des
conciliabules entre singes, «Ape» ridiculisent à souhait.
Alexis Vaillant