Réouverture du MAGASIN



 

"Grenoble : le Magasin fait son cinéma"
Le Figaro, "et vous", Paris, 10 février 2006, p. 31


ART CONTEMPORAIN
Ce centre national rouvre sous le signe du cinéma et de Jean-Luc Godard

POUR SA RÉOUVERTURE le Magasin-Centre national d'art contemporain de Grenoble opère un come-back sur son histoire patrimoniale avec l'exposition «Cinéma(s)». Et un retour vers le futur avec l'installation «Changement de climat» de Michael Craig-Martin.
C'est par son oeuvre éphémère installée dans l'espace central sous la verrière appelée «la Rue» que le Britannique accueille le public. Il s'agit d'un gigantesque papier peint vinyle, créé sur ordinateur tout spécialement aux dimensions du lieu, 140 mètres linéaires de cimaises, et collé sur 770 mètres carrés. Il représente une soixantaine d'objets contemporains géants sur un fondu enchaîné de couleurs dégradées du magenta au bleu turquoise.
Des objets familiers, bouilloire, pendule, lampe, ballon et piano, sortis tout droit du répertoire de quelque 700 images que l'artiste, né à Dublin, réutilise constamment dans ses travaux. Ici ils établissent une correspondance en ligne de leur sélection, de leurs contours, de leurs couleurs, de leur juxtaposition et de leur relation à l'espace qui illustre l'obsession de l'artiste. Celle du dialogue entre réalité et représentation dans l'art.

Le particularisme grenoblois
Autre dialogue dans les salles adjacentes à la Rue, avec l'univers du cinéma, dont les répliques renvoient à une page de l'histoire culturelle de la ville de Grenoble au tournant des années 60-70.
En prégénérique, le rappel du particularisme grenoblois : l'expérimentation sociale du quartier de la Villeneuve entre autres par la production d'images filmées, la création par Jean-Pierre Beauvialla des optiques et caméras de la nouvelle vague, le tournage par Jean-Luc Godard à la Villeneuve du film Numéro deux et de deux séries vidéo pour la télévision, Six fois deux et France-Tour-Détour deux enfants, la création de la Vidéogazette (1972-1976), première télévision locale, l'engagement dans le cinéma expérimental MTK.
Autre flash-back sur le fondu enchaîné du cinéma à l'art opéré autour de 1985-1990 par une quinzaine de jeunes artistes issus de l'école d'art où ils se sont nourris à l'influence d'Ange Leccia, Jean-Luc Vilmouth, Jean-Luc Moulène ou Georges Rey. Et se sont souvent organisés en collaboration ou collectif pour la production par exemple du projet Ann Lee par Dominique Gonzalez-Foerster, Philippe Parreno et Pierre Huyghe qui se sont associés afin d'acheter les droits d'une figure de Manga.
Ce climat créatif typique de la scène grenobloise d'art contemporain utilisant les outils du cinéma se retrouve dans chaque séquence de l'exposition dont nombre d'oeuvres se réfèrent à Jean-Luc Godard, notamment celles, comme No more reality, de Parreno qui imite même sa voix ou la mise en boucle de Bardot dans la voiture décapotable rouge conduite par Jack Palance dans Le Mépris. Cinématographiques encore, les toiles assez kitch 1995 et Crépuscule de Bernard Joisten évoquent sur le mode onirique des cadrages de film.
Enfin très présente aussi la question du réel et de l'événement posée ici par Philippe Perrin avec Know Your Rights-Hommage à Jacques Mesrine montrant la même voiture criblée de balles que celle du gangster. Question qui reste posée.

Marie-Guy Baron