Réouverture du MAGASIN



 

Secrets sous la verrière
Le Petit Bulletin, Grenoble, 18 au 25 janvier 2006, 4ème de couverture

L'évènement majeur de ce mois est la réouverture festive du centre national d'art contemporain de Grenoble, le magasin. Abrité par la halle Eiffel, il s'est doté d'une nouvelle verrière pour accueillir des propositions artistiques toujours aussi pointues et en lien avec notre réel.

Le Magasin rentre à la maison. Après une année de programmation disséminée dans différents lieux de Grenoble dont on retiendra les vidéos de Valérie Mréjen, l'émouvant film d'Anri Sala, et le prisonnier-pianiste de Rodney Graham, la porte bleue métallique du bâtiment industriel s'ouvre de nouveau au public grenoblois. À l'intérieur, la lumière s'est purifiée. «Il faut se réapproprier le lieu car avec cette verrière rénovée, la lumière a changé», précise Yves Aupetitallot, troisième directeur de ce lieu réputé dans le monde de l'art contemporain. Il faut dire que la verrière portait sur elle les stigmates, les résidus d'un long chemin. La halle, créée par Gustave Eiffel pour l'exposition universelle de 1900 à Paris, fut rachetée par les industriels Bouchayer et Viallet et reconstruite à Grenoble afin d'y développer leur activité liée à l'hydro-électricité. Elle fit aussi office d'entrepôt et le mot "Magasin" s'inscrivit sur la grande porte.

QUI ES-TU LE MAGASIN?
Les années passent. Au moment de la décentralisation dans les années 80, 7 projets de centres nationaux d'art contemporain sont projetés en France. Deux verront le jour: celui de Nice et celui de Grenoble. Si en avril 1986, Jacques Guillot, le premier directeur, décide de conserver le nom Magasin inscrit sur la porte du bâtiment choisi pour abriter le centre d'art, c'est parce que le mot fait aussi référence à "L'Exposition Futuriste Magasin" qui eut lieu à Moscou en 1916, et qui visait à renverser les principes esthétiques traditionnels. Idéal comme correspondance pour un lieu dédié à l'art contemporain qui, a priori, s'inscrit dans un élan de liberté et d'émancipation artistique. Cet espace de 3000 m2, le seul en France avec le CAPC de Bordeaux à être installé dans une friche industrielle, devient un haut lieu d'expression de la création artistique contemporaine locale, nationale et internationale, privilégiant les installations monumentales in situ (les artistes créent spécifiquement pour ce lieu) et les oeuvres où s'engagent un dialogue sur le monde. Il serait difficile de résumer les 20 ans de productions du Magasin, mais on se souvient des Micropolitiques en 2000, des peintures d'Andréas Dobler en 2003, ou encore des travaux d'artistes issus des Beaux-Arts grenoblois tels que Philippe Parreno, Bernard Joisten, Dominique Gonzalez-Foerater, Pierre Joseph, Philippe Perrin et dans la jeune génération Christelle Lheureux, tous engagés dans des carrières internationales.

IMAGES RÉINVENTÉES
Le sujet fédérateur qu'Yves Aupetitallot a choisi pour les expositions de la réouverture est celui du cinéma ou plutôt des cinémas de ces trente dernières années. On ne s'étonnera donc pas de découvrir deux films militants de Jean-Luc Godard, réalisés à Grenoble entre 74 et 78 alors qu'il collaborait avec Jean-Pierre Beauviala (concepteur de caméras de pointe). Autres trouvailles à visionner, les extraits de La vidéogazette (de 1972-1976), première télé vidéo locale câblée lancée à la Villeneuve. Une partie du vivier d'artistes grenoblois (cité plus haut) qui s'est orienté soit vers un cinéma d'art, expérimental (supports vidéos) soit vers un cinéma pellicule sera largement représenté à partir du 21 janvier. True Romance ou Explosion d'Ange Leccia, également professeur à l'école du Magasin, côtoieront les travaux du projet AnnLee. Christelle Lheureux et Apichatpong Weerasethakul (réalisateur thaïlandais) interrogeront l'histoire du pays avec Ghost of Asia. La Cinémathèque a apporté sa contribution avec une sélection de films réalisés par des isérois (de Flandrin à Mourieras et Gallotta). Le réel, les événements seront également interprétés par les artistes sous la forme d'installations.

LE FEU AU MAGASIN
Avec Know your rights de Philippe Perrin, la mort de Mesrine est mise en scène dans un décor de voiture criblée de balles. Le dimanche 22 lors de la journée portes ouvertes, les enfants pourront faire des films dans les différents éléments du décor éparpillés dans les galeries, alors que l'allée centrale (dite "La rue") a été investie par Changement de climat, une peinture murale monumentale (faite d'objets très quotidiens sur un fond coloré) de l'artiste britannique Michael Craig-Martin, réalisés spécialement pour la réouverture. La troisième (et dernière) exposition sera celle de Claude Closky, À la Une, récapitulatif des projets d'artistes en ligne qui ont été proposés toute l'année. Pas de panique, vous aurez pas mal de mois devant vous pour voir toutes les expos. Mais le 21, jour de réouverture, le Magasin nous a concocté une fête des plus agitées à ne pas rater. À commencer par la présence du performer berlinois Jonathan Meese et son très théâtral Noël Coward est Saint Just est Herbert Volkmann (Le Ultimo Tango à Paris), qui peut s'étirer à loisir. La scène musicale locale représentée par le label Goodlife et les sons des DJ Human Body et Jérôme D, feront vibrer la verrière, sans l'ébranler.

LE CNAC-MAGASIN
1986
Ouverture du Magasin et de son école, direction Jacques Guillot
1988
Le Magasin ancré à Grenoble jouit d'une renommée internationale. Décès brutal de son directeur
1989
Nomination d'Adelina Von Fürstenberg
1996
Yves Aupetitallot, historien d'art moderne et contemporain, prend la direction du lieu
2004
Fermeture pour rénovation de la verrière. Magasin hors les murs
2006
Réouverture joyeuse

Séverine Delrieu