Review : vidéos et films Collection Pierre Huber



 

"Pour Pierre Huber, l'art vidéo c'est pas du cinéma"
Paris Match, Levallois-Perret, 29 juin au 5 juillet 2006, p.8

Pierre Huber a d'abord tenu un restaurant avant d'ouvrir sa galerie à Genève, il y a une vingtaine d'années. Collectionneur frénétique, il a su acheter au bon moment et se tourner vers les formes d'art difficile: aussi a-t-il acquis la plus importante collection européenne d'art vidéo. Il était donc logique que le très branché centre d'art contemporain Le Magasin, à Grenoble, lieu où l'image en mouvement est à l'honneur, présente un échantillon de l'ensemble impressionnant qu'il possède. A l'affiche: Shirin Neshat, Tony Oursler, Nam June Paik, Sylvie Fleury, Maria Marshall, etc.

Votre collection d'art vidéo est considérée comme la plus importante d'Europe. Quand l'avez-vous commencée ?
Je suis devenu galeriste pour collectionner car je n'avais pas beaucoup d'argent. Au début, à Genève, quand je montrais des artistes d'avant-garde, il m'arrivait de ne rien vendre. Renvoyer l'exposition m'aurait coûté aussi cher que d'acheter plusieurs pièces. J'ai donc commencé ma collection en acquérant les invendus ! Pour l'art vidéo, ce fut pareil; il y a dix ans, ça n'intéressait personne.

Pourquoi l'art vidéo est-il la nouvelle avant-garde ?
Pour moi, l'art vidéo et les installations vidéo sont une prolongation de la peinture et de la sculpture. C'est un art total. Le mariage entre la technologie et l'art.

L'art vidéo est-il encore abordable ?
Il l'est encore, même si, en ventes publiques, les pièces historiques commencent à atteindre des prix record. Par exemple 150000 dollars pour une installation de Nam June Paik.

Mais n'est-ce pas une forme d'art réservée aux musées ? On voit mal un particulier mettre une installation chez lui. Comment un collectionneur, qui est d'abord un chasseur, peut-il montrer ses trophées ?
La technologie va si vite qu'il est déjà possible d'acheter des téléviseurs plasma, ultraminces, de les accrocher au mur comme des tableaux et de regarder défiler les images grâce à des D.v.d. tirés en 4 ou 5 exemplaires. Tous les collectionneurs d'avant-garde s'y mettent. Vous verrez, l'art vidéo va se populariser.

Quels sont les Picasso et les Matisse de l'art vidéo ?
Nam June Paik et Bruce Nauman: ils ont tout inventé il y a déjà quarante ans!

Comment voyez-vous l'art de demain ?
Ce sont les nouvelles technologies qui feront avancer l'art. Qui renouvelleront son langage. J'aimerais, prochainement, ouvrir en Suisse un lieu immense dédié à l'art vidéo. Un peu comme la fondation Dia, près de New York. Mais en regardant cette exposition qui présente quelques-unes des pièces que je possède, je réalise que j'ai encore beaucoup d'oeuvres à acquérir pour compléter ma collection !

Elisabeth Couturier