Review : vidéos et films Collection Pierre Huber



 

"Pierre Huber met ses vidéos en Magasin"
La Tribune de Genève, Genève, 31 août 2006

Le Centre d'art de Grenoble fait de la place au collectionneur genevois.

Montrer des vidéos comme des tableaux. Et remplacer sur les murs d'un centre d'art les sujets statiques de la peinture par des images en mouvement. C'est le pari de l'exposition Review visible en ce moment au Magasin de Grenoble qui regroupe une vingtaine de films patiemment accumulés pendant dix ans par le galeriste et collectionneur genevois Pierre Huber. «Le choix des œuvres s'est fait assez naturellement, en fonction des envies et de l'espace à disposition», explique Yves Aupetitallot, directeur du Centre national d'art contemporain. Lequel connaît les 3000 pièces de la collection Pierre Huber sur le bout des doigts pour en avoir accroché une sélection l'année dernière au Musée des beaux-arts de Lausanne. Des peintures, des sculptures, des installations mais aucune vidéo.
Le média audiovisuel, le marchand d'art y est venu sur le tard. «La vidéo est devenue, comme la photographie pour la génération précédente, l'outil d'expression privilégié de la génération actuelle», explique le galeriste toujours le nez dans l'air du temps. Il faut dire aussi que le support posa longtemps problème aux collectionneurs en général, une histoire de fragilité et de multiplication des formats. Avant de techniquement beaucoup évoluer. De la bande magnétique à la pérennité improbable, les artistes sont passés aux technologies numériques qui protègent desormais les œuvres d'une usure fatale.
Du coup, c'est aussi la manière de montrer ces images qui a passablement changé. «Le temps où les pièces vidéo étaient diffusées sur le téléviseur familial est révolu», note le marchand dart. Même si le bon vieux tube cathodique reste indissociable de l'oeuvre de Nam June Paik, pionnier du vidéo art, dont le Main Channel Matrix et ses 65 écrans accueillent en clignotant le visiteur de l'exposition.
Comprenez aussi que présenter ces oeuvres dans les meilleures conditions nécessite beaucoup d'espace. Pierre Huber, les artistes et Yves Aupetitallot ont donc refaçonné les 1000 mètres carrés de ces lieux récemment remis à neuf. The Rocking Chair de David Claerbout, par exemple, réclame une visibilité recto verso. Ce 111m dont l'objectif braque une femme prenant le frais sur une chaise à bascule est projeté dans un long corridor de 22 mètres de long sur 5 de large. Même chose pour Zarin de Shirin Neshat, tourné en super 35 mm et projeté dans une pièce aux dimensions de salle de cinéma. Tout comme A Reverie Interrupted By ne Police, parodie de slapstick signé du Canadien Rodney Graham. Ou encore Strange Fire de Sylvie Fleury qui se projette sur un panneau dont l'orbe lumineux évoque les néons minimalistes de Dan Flavin.

EMMANUEL GRANDJEAN